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Silence émerveillé

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Dans les Apennins, au-delà de ce chemin un peu perdu entre deux villages éloignés, je ressens le besoin de faire une pause et de dormir dans l’herbe. Une légère « tramontano » vient caresser mon visage buriné par des semaines de marche, de soleil et de vent. Ma sieste de début d’après-midi entraîne alors un sommeil profond.

Quand j’ouvre enfin les yeux, le soir est déjà bien avancé, ma tête repose sur mon sac, mes chaussures posés sur le côté, et je me rends compte de l’apparent silence autour de moi. Je prends alors tout le temps nécessaire pour me réveiller, pour m’étirer, sans bruits, comme pour ne pas déranger ce lieu qui a abrité mon repos.

C’est à ce moment-là que je le vois. Un cerf, dont la ramure impose le respect, me regarde, posté à quelques mètres de mon lieu de sieste et de l’orée de la forêt. Le silence est par moment entrecoupé du chant des oiseaux, les feuilles des arbres bruissent dans le vent léger, le soleil ne darde plus que quelques couleurs, le crépuscule doucement vient m’envelopper, ainsi que le compagnon majestueux et aussi interrogatif que moi. On se regardent sans bouger, des minutes qui semblent des heures, quelques tressaillements viennent par moment agiter sa robe cuivre sombre, avant qu’un léger mouvement dans les branches le fasse entrer dans la forêt où il disparait.

Prenant  mon temps pour admirer encore le couchant, je ramasse mon sac et entreprends de marcher, frontale allumée. La clairière un peu surélevée, dominant le fonds de vallée, que je découvre plus tard, me permet de me poser pour la suite de ma nuit.

Le sommeil n’arrivant pas, je m’allonge en dehors de la tente, les yeux sur la voie lactée.

L’émerveillement me gagne. Je ne sais où regarder tant le spectacle de cette nuit de juillet fait mon bonheur. Mes yeux sur les astres lumineux et mes oreilles attentives aux sons, j’ai ce privilège d’entendre la symphonie de la nuit, quand l’insecte se déplace, la chauve-souris chasse, le mulot virevolte, la chouette hulotte hulule… comme si tous les animaux de la forêt s’étaient donné rendez-vous pour se produire autour de moi.

Pas de craintes ou d’angoisses, hormis peut-être la rencontre avec une harde de sanglier ou un loup, comme celui aperçu hier, précédant les aboiements des Patous, qui n’éloignent pas que le prédateur !

Je reste immobile, profondément attentif au moindre et furtif glissement, au délicat battement d’ailes, au mouvement entre les branches, au redressement des broussailles, au chuintement gémissant des oiseaux de nuit. Ma mémoire tente alors d’enregistrer les deux notes de la trille, le silence n’existe plus ici et c’est cela qui est merveilleux.

Le dos sur le sol encore chaud de la journée, j’essaye de deviner les sons pour accompagner le nom de l’animal, totalement ignorant de mes livres de science naturelle des classes de primaire et de collège, mais, apprenant attentif de ces moments de solitude au fond d’une forêt inconnue.

Cette solitude choisie, en fait, n’existe pas, car tout ce monde diurne et nocturne accompagne le marcheur qui passe et fait halte pour voir, écouter, entendre, comprendre et vivre ces moments privilégiés.
Que de plaisir et d’émerveillement pour accompagner un semblant de silence et mon sommeil enfin revenu.

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