J’ai repris ma marche tôt ce matin, mais pas vraiment attentif et encore endormi au sortir de ma tente. En forêt et à flanc de colline j’ai la nette impression de ne pas être dans la bonne direction tout en ne trouvant pas de réseau cellulaire pour revenir à ma carte virtuelle. Sans stress, je pose mon sac et regarde autour de moi. Je ne suis pas vraiment perdu seulement de l’autre côté de la colline et du chemin prévu !
Avisant une sente animale qui longe un petit ruisseau je prends la décision de le remonter, en gravissant le talus puis la pente assez raide, sous les branches basses, en évitant les broussailles et les épines noires. Je débouches dans une éclaircie forestière dû à une coupe de bois, marchant entre les grumes et les trous laissés par l’exploitation. J’arrive enfin à un chemin qui m’emmène au sommet.
Assis sur une souche à m’alimenter et à boire, je me rappelle toutes les fois où j’ai pris un autre chemin, ouvrant la voie aux endroits hors cartes et à d’autres possibles. Et j’en ai vécu. Ils me reviennent en mémoire pour me rappeler aussi que j’y ai fait d’aussi belles rencontres que sur des chemins balisés et plus fréquentés. Ces chemins aléatoires souvent particuliers je les appelle mes CAMINO PERSO.
Ils me permettent de continuer à me faire confiance, ne ressentant jamais la peur d’être perdu. Ces Camino Perso peuvent aussi être voulus. Chaque chemin va quelque part, il suffit de le suivre pour s’en rendre compte. Marchant seul dans une vraie liberté de pas, de réflexion, de questionnements, je souris en les prenant et en les découvrant. Et quelques fois en revenant sur mes pas.
Sur le Camino di Francesco en Italie, perdant le chemin balisé après la traversée d’une petite ville, sans indications, choisissant une direction, traversant une forêt aléatoirement, j’étais arrivé dans un lieu d’accueil pour pèlerins dont je me souviendrai longtemps encore. Une maison au milieu de la forêt, un cèdre du Liban au milieu de la cour, une table dressée, des convives adorables pour une soirée mémorable. Comme les indications du lendemain pour en repartir, car je me perdis à nouveau !
Camino Perso, c’est tous ces chemins qui te font rencontrer des gens surpris de voir un randonneur, un marcheur, un pèlerin, et qui sont si heureux que tu changes leur quotidien.
Camino Perso c’est sortir de sa zone de confort pour vivre l’instant, celui qui te fait chercher puis retrouver ta direction, ou prendre un autre chemin et vivre celui-ci.
Camino Perso c’est tous les chemins imprévus, les chemins non balisés, les traversées de gués, de prairies, de forêts, pour arriver quand même à destination. C’est se faire confiance dans un esprit de rebond ou l’aléatoire s’ouvre autant que la normalité. Et comme je suis autonome (gaz, tente et gamelle) je respire la liberté de me perdre.
Cette liberté de se perdre c’est aussi sortir du balisage. C’est découvrir son pas hésitant, ses pensées qui s’entrechoquent entre la continuité et le rebrousse chemin, c’est le regard qui se perd et qui se cherche, c’est la vie dans ce qu’elle offre d’aléas, c’est le temps qui passe et le doute qui s’installe, mais c’est surtout le sourire d’y arriver autrement.