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Pourquoi ?

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Pourquoi suis-je parti sur tous ces chemins ?

 Cette question m’accompagne depuis longtemps, bien avant que mes pieds ne foulent les terres des premiers départs. Je me la suis posée la veille de chaque marche, lorsque le sac était bouclé et que l’itinéraire restait encore flou.

Pourquoi partir, encore ? Pourquoi laisser derrière soi ce que certains appellent stabilité, confort ou routine ? Pourquoi choisir l’incertain, l’éloignement, la poussière et l’inconnu ?

Il fut un temps où ma vie semblait paisible, presque oisive. Mais déjà, en moi, quelque chose se fissurait. Un refus sourd du convenu, une soif mal définie d’ailleurs. Je ne fuyais pas, ou alors, si je m’évadais, c’était pour mieux me retrouver.

L’appel des sentiers n’était pas seulement une promesse de paysages, c’était une urgence intérieure. Il me fallait marcher.

Marcher, ce n’est pas simplement avancer

Marcher, c’est s’alléger en se débarrassant de ses inerties. C’est découvrir, au fil des pas, des terres autant extérieures qu’intérieures. C’est dormir là où l’on peut, tel que l’on est.

C’est laisser derrière soi les certitudes, les convenances, les horaires, les miroirs.

Marcher, c’est s’ouvrir à la lenteur, se redonner du temps. S’offrir le temps. Celui d’un regard, d’un souffle, d’une rencontre. Marcher est une hygiène de l’âme autant qu’une discipline du corps. Chaque départ est un effacement. Abandonner son cadre. Désarmer ses habitudes. Perdre ses repères volontairement, dans une forme de dépouillement choisi.
Il y a dans cette rupture une nécessité.

La marche recompose, lentement et patiemment, pour y gagner l’essentiel : l’attention à soi et la présence au monde.

Le corps avance, l’esprit suit

Dès les premiers kilomètres, une évidence s’impose : mon esprit avance avec les pieds, se décante, se clarifie.
Les pensées s’alignent avec les pas, et les silences deviennent des compagnons fidèles.
Le cheminement vers un nouvel horizon devient un acte de soin, une manière d’honorer la vie dans son écoute, non dans sa performance.

Alors je consacre du temps à l’émerveillement, à l’imprévu, à la rêverie, aux émotions simples, à l’inutile qui éclaire tout.
Marcher dans l’ouverture des bras, du cœur, de l’esprit.
C’est délaisser ses jugements, accueillir ses fragilités, entendre ses blessures sans les fuir.

C’est accepter l’inachevé en soi.

Le lien, le poids, l’allègement

Et parfois, au détour d’un sentier, c’est croiser le regard d’un inconnu qui marche aussi, avec ses bagages visibles ou invisibles.
L’autre devient alors un frère de pas, témoin et miroir du même chemin. Égaux et dépouillés, la marche nous relie.

Au fil des jours, le poids du sac devient une métaphore. On apprend l’allègement, ne gardant que l’utile et l’indispensable.
Puis l’on finit souvent par abandonner ce que l’on croyait nécessaire.

Refaire son sac est un rituel quotidien d’apprentissage.
Concret dans sa réalisation, j’en finis par discerner ce qui pèse et ce qui élève, mais surtout en me disant : je n’en ai plus besoin.

Marcher pour revenir à l’essentiel

Voyager par la marche, c’est se défaire des attaches mortes.
Ce n’est pas une fuite, mais un retour par un détour plus ou moins long.
Ce recentrage possible mène parfois à soi.
Non pas à l’image véhiculée que l’on a de soi, mais à une présence plus profonde, plus nue, plus vivante.
Celle que l’on n’écoute jamais suffisamment dans la quotidienneté agitée.

Chaque horizon aperçu devient une promesse.
Chaque col franchi raconte un peu mieux la vérité du corps et de l’âme en mouvement.
Chaque douleur aux pieds rappelle que j’avance, que je vis.
Chaque lever de soleil est un appel silencieux : quelque chose en moi veut grandir, veut aimer, veut comprendre.
Cela ne se trouve ni dans les certitudes, ni entre les murs. Encore moins ailleurs.

Et maintenant ?

J’ai encore tant de chemins à parcourir.
Ceux d’herbe, de pierre, de sable.
Chemins d’hommes et de femmes croisés au hasard d’une halte, au coin du feu ou d’un bois.
Chemins qui ne mènent nulle part, sinon à une transformation, à une rencontre, à un dépouillement salutaire.

Je pars encore, parce que c’est là, dans ce mouvement, que je me sens vivant.
Marcher me donne l’impression d’entrer dans la justesse d’une vie simple, ouverte et heureuse. Car dans chaque pas, il y a un battement de cœur, un silence disant l’essentiel, une possibilité d’aimer la suite.

Et peut-être qu’en fin de compte,
je marche non pour aller ailleurs…
…mais pour apprendre à être ici. Pleinement.

Avec moi.
Avec les autres.
Avec le monde.

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