La météo, lors d’une randonnée peut être une préoccupation constante mais devient pour moi une leçon de vie voire une danse lascive avec les éléments eux-mêmes.
Je suis de ceux qui choisissent de ne pas se battre contre le temps, mais de l’accepter tel qu’il se présente. Je ne choisis pas mes marches selon lui ! C’est ainsi que chaque pas sur les chemins et sentiers, sous le soleil ou sous la pluie, devient une expérience de résilience et de connexion avec la nature.
Toutes mes années de marche à travers les saisons m’ont forgé dans une forme d’humilité face à l’environnement. Je me laisse guider par les zéphyrs des plaines espagnoles, par les bises glaciales de l’hiver vosgien, par le mistral purificateur provençal ou par le soleil brûlant des Strade Bianche de Toscane.
Chaque variation météorologique m’enseigne la beauté de l’instant présent, la fragilité de l’existence humaine face à la puissance de la nature. Accepter ce qui vient, ne pas résister, c’est me laisser la possibilité de la transformation.
Il est normal de vouloir se protéger, mais l’aventure commence lorsque j’accepte l’inconfort, lorsque je m’ouvre aux éléments sans chercher à les dompter. Ressentir le froid cinglant, laisser la pluie imprégner mes vêtements, écouter le vent mugir à travers les arbres, toutes ces expériences sont des invitations à la communion avec mon environnement. Elles me rappellent à chaque fois que je ne suis qu’un homme parmi les vivants, pas au-dessus, pas à part. Juste à ma place.
Il y a eu des marches dans la neige, les pieds gelés, les mains rougies, où chaque pas sollicitait mon mental. Il y a eu des nuits sous la pluie, à chercher un coin plus sec, à accueillir le sommeil comme on accueille une visite rare. Et il y a eu des jours de grand soleil, où la chaleur m’écrasait, où chaque goutte d’eau devenait précieuse. Chacune de ces situations m’a appris sur moi-même, sur ma patience, ma ténacité, mais aussi sur mes limites.
Ces expériences ne se racontent pas toujours avec des mots. Elles s’inscrivent dans mon corps, dans ma mémoire face au silence, face au souffle, du battement du cœur au rythme de mon pas. Ce sont des moments qui se transmettent par le regard, par le choix de s’arrêter ou de continuer. Un compagnon de marche n’a pas besoin de grandes phrases, comme c’est déjà arrivé, car le simple fait de traverser ensemble une averse de grésil, de neige ou de pluie crée une complicité silencieuse, faite de respect et d’écoute.
En tant que long marcheur, je suis un explorateur des chemins battus et des sentiers oubliés. Chaque bourrasque, chaque éclaircie, chaque averse devient un miroir de qui je suis : un être humble et vulnérable, mais aussi plein de vie et de détermination. Marcher ainsi, c’est embrasser l’impermanence du passage et de la beauté sauvage du monde qui m’entoure. Je cherche à me fondre dans le paysage et à l’habiter avec respect.
Je me souviens d’une fois, dans le Queyras, où le brouillard est tombé brusquement. Je ne voyais plus à dix mètres. Il aurait été légitime de paniquer, de presser le pas. Mais j’ai ralenti. J’ai attendu que mes yeux s’habituent, que mes autres sens prennent le relais. Cette marche lente, presque aveugle, m’a permis d’écouter différemment. Le bruit de mes pas sur la terre humide, le souffle de ma respiration, le battement de mon cœur, m’ont ramené à l’essentiel.
Dans cette démarche, la transmission devient essentielle. Chaque expérience vécue en pleine nature est une histoire à partager, une leçon à enseigner. Je transmets à ceux qui m’entourent une philosophie de vie : celle qui prône l’acceptation de ce que la vie nous offre, dans ses moments les plus doux comme dans ses tempêtes les plus violentes. Ce n’est pas tant le confort que je cherche à leur offrir, mais une ouverture : à l’inattendu, à la beauté qui se cache parfois dans l’épreuve.
J’ai accompagné des amis sur leurs premières randonnées. Certains avaient peur de la pluie, d’autres du froid, d’autres encore de ne pas « tenir ». Je leur ai appris à écouter leurs pas, à sentir le vent sans le fuir, à reconnaître un oiseau dans la forêt humide. Ce sont de petites choses, presque invisibles, mais qui changent notre façon d’être au monde. Il ne s’agit pas de s’endurcir mais de s’ouvrir. D’ouvrir les sens, le cœur, l’esprit.
L’humilité, je l’ai apprise en marchant sous la pluie et en scrutant les cieux changeants qui s’étendent au-delà de la nature. C’est faire de l’incertitude du temps, une beauté souvent sauvage et la nécessité de vivre pleinement chaque instant au présent. La météo m’a permis de faire confiance à l’instant, à ne pas toujours vouloir savoir, planifier, maîtriser. À faire avec plutôt que contre.
La longue marche n’est pas seulement un exercice physique ou une contemplation de paysages. C’est une école de vie où l’on apprend l’humilité face aux forces de la nature, à transmettre son amour pour le monde naturel et vivre chaque expérience avec gratitude et résilience.
C’est là, dans ces moments simples, que j’ai trouvé la véritable essence de mon humanité. La pluie, le soleil, le vent ne sont pas des obstacles, mais des compagnons de route. Et avec eux, je marche. Encore et toujours.