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Marcher en liberté

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Lors de mes nombreuses et longues marches, j’ai forcément fait de merveilleuses rencontres. De celles qui marquent. Qui interpellent. Qui ne laissent pas indifférentes.

Les mots échangés ne sont pas restés au bord du chemin, ils ont fait sens lors des pas, des heures, des jours suivants… et plus loin encore. La mémoire cultivée de ces rencontres habite encore et jusqu’au bout mon état d’homme en marche.

En plongeant dans mes carnets de notes, souvenirs d’endroits de passages, de réflexions des pas multiples, j’ai réouvert les raisons qui m’ont fait partir marcher, mais aussi les quêtes et questionnements, d’autres que moi.

Ces instants racontés et décrits d’emprisonnements quotidiens, douloureux et incompris, de ceux qui incitent à ne plus reconnaître certains rapports sociaux.                                                    Ces ruptures du monde environnant, qui poussent à partir marcher, comme un réflexe de vie. Ces envies de marcher pour marcher, de s’éloigner pour se repaître d’oxygène et de nature. Comme un instinct de survie.

Combien ai-je rencontré d’hommes et de femmes s’éloignant pour mieux revenir ?

Poussant la porte de la solitude pédestre pour comprendre, ailleurs et face à soi, le besoin de se connaître, de se reconnaître, de trouver un sens ou de tenter de le faire…

Combien cherchaient à travers leurs pas et le vaste horizon, ligne inatteignable, des réponses à des choix existentiels ?

Marcher pour se retrouver, pour redevenir soi-même, pour se mettre à l’épreuve de soi et reconnecter à ses fondamentaux… la marche comme thérapie naturelle, celle d’aller de l’avant en connectant autre chose, plus subtile, comme l’intériorité du questionnement qui fait avancer pour tenter des réponses…

Il y a dans mes carnets de marches, des dates, des lieux, des prénoms, des adresses, des mots. Les miens. Les leurs. Des phrases, des citations, des questionnements, des encouragements, des mercis…

Par moments, je me plonge dans cette écriture de bivouac, pour y puiser le temps vécu et revoir les visages amis des chemins du cœur. En relisant certains de leurs mots, j’y décèle des efforts de dire, d’écrire, d’encourager. Et revivre la rencontre de ce passant pèlerin que souvent on ne reverra plus, mais qui restera mémorisé longtemps par ce passage éphémère et marquant.

Et puis, je me suis souvenu pourquoi,  je suis parti, pour mes longues, très longues marches. Les raisons, les besoins, les attentes, les peurs et les doutes, les joies et les peines, ce qui fait le pas et défait le précédent.

Mais aussi de cette phrase devenue signature pèlerine de mon premier chemin il y a trente ans… et de tous ceux qui ont suivis et viendront … « On ne peut asservir l’homme qui marche. * »

Aller au bout de soi par les pas, avancer et tenter d’atteindre la plénitude du corps en marche. Corps unique et fidèle. Se demander si cet ultime abandon du long marcheur est devenu le point de bascule où on ne mesure plus le temps.

Ou le nombre d’heures, de kilomètres parcourus, le questionnement de la longueur de temps pour arriver, devient alors, la continuité parfaite de l’éternité du pas.

Celui qui offre la liberté d’être.

 

 

* Henri Vincenot. Les étoiles de Compostelle. 1982.

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1 Commentaire. En écrire un nouveau

  • C’est bien d’écrire, je publie également le récit de ma dernière marche en juin prochain. Chaque étape est illustrée d’une photo et peut se lire indépendamment des autres. Mon écrit reprends mes réflexions sur l’historique des régions traversées , celle plus globale du camino , ma réaction personnelle sur la campagne et les villes traversées, etc , bonne réussite. Nouveau départ dans trois jours. Bernard Denis-Callier

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