L’appel du large. 2ème strophe. Charles Baudelaire.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ahhhh l’appel au départ, l’appel du large, l’appel à partir, l’appel du nouvel horizon. Ce moment en pensées où il se passe quelque chose dans le cerveau. Les neurones qui s’agitent parce qu’un rêve est venu perturber la nuit. Parce que la une d’un magazine montre une photo de la destination qui vous faisait rêver enfant. Parce qu’un ami connaît quelqu’un qui est en marche, qui bivouac, qui voyage ailleurs, qui reviendra peut être, bref… tout est là !
L’appel c’est avant le point de bascule qui fait prendre la décision de partir. L’appel c’est tout ce qui vient avant et qui fait douter. Déjà !
J’en ai vécu des appels. Ces moments où je voulais partir, me sauver, fuir, retrouver ma liberté, qu’importe le terme. Ces jours et ces nuits où l’évidence d’un départ était présente, mais le cours des journées emmenait le marcheur potentiel vers un autre ailleurs. Bien souvent contraire aux envies. Cet appel pourtant restait présent. Il mûrissait déjà des peut-être.
Il y avait au centre de mon corps un fil qui me tirait vers des destinations et au milieu de mon crâne un cerveau qui me disait non. Trop compliqué, trop difficile, trop long, trop tout. Je recevais les doutes et les difficultés, j’y opposais l’attirance du défi, de l’éloignement, de la rencontre.
L’appel devinait mes envies les plus profondes, réveillait l’enfant aventurier et le rêveur adolescent qui voulait le devenir. Toutes mes fibres retrouvaient alors les difficultés scolaires et les oppositions d’orientations. Incompris par de savants sachants n’ayant rien compris à mes besoins de découvertes et à ma nécessité d’apprendre autrement. Je voulais sortir du moule, mon âge m’y ramenait. Je dépendais !
L’appel est alors resté caché, le moule m’a entraîné ailleurs. La lueur est restée, jamais bien enfouie sous la surface.
Je me souviens de l’instant où pour écrire mon mémoire de sciences humaines, je voulais longer la Cordillère des Andes à VTT* du Nord au Sud… 9000 km et 7 pays à traverser. C’était le moment et je sentais le souffle de l’appel des montagnes, des vallées, des gens. Je voyais les cheveux longs et noirs, les regards francs et directs, les tenues bariolées, les lamas et l’allée des volcans.
L’Amérique du Sud est restée un vœu pieux qui s’est transformé en longue marche de 2400 km … du Mont-Sainte-Odile (près de Strasbourg) à Compostelle, quand ce lieu n’était pas encore à la mode !
Pourquoi ce changement de cap ? Pour un beau rêve un matin. Je me suis vu marcheur au long cours, cheveux longs, barbe, sac à dos, tente et gamelles. Errant inconnu, pèlerin de ma vie. Les jours qui ont suivi, plusieurs signes m’ont indiqué que j’avais fait le bon choix. Tout en restant secret de ce moment entre mon but et moi.
Mais je savais que cet appel là, j’allais l’entendre et l’écouter.
En lisant le vers de Baudelaire : « Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons ! » j’ai fait un jour le rapprochement avec le mot échangé entre pèlerins de Compostelle « Ultreïa ». Cette expression latine est composée de deux mots : ULTR qui exprime l’idée de dépassement (physique et spirituel) et ÏEA qui est un encouragement et peut se traduire par allons. «Ultreïa » peut alors se comprendre : Courage! Allons davantage, allons plus loin!
Aujourd’hui quand l’appel vient proche de la surface, je vais.
Qu’importe la destination, je ne me fie qu’à mon pas et à mon instinct.
*Ami du Québec vous dites Vélo de Montagne. En France VTT c’est Vélo Tout Terrain 😊
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L’appel est tellement là tout le temps, caché en sous-sol, tapi et prêt à refaire surface quand je ne m’y attends pas. Je l’entends souvent depuis 30 ans, de plus en fort à chaque fois…
Cet appel est comme une petite voix, un ver d’oreille parfois. L’entendre murmurer puis repartir doucement. Revenir ensuite un peu plus clairement. Je vous souhaite de l’entendre encore, mais aussi de vous permettre un départ… ce premier pas, si compliqué mais si libérateur parfois.
Avec toute ma considération. Bien à vous. Philippe