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Laçage au sommet

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Pour ceux qui s’en souviennent, il y a eu un temps sans téléphone ni connexions multiples, et je ne suis pas celui qui pense que c’était mieux avant, bien loin de là.

Je viens seulement vous rappeler qu’avant… on roulait avec une carte Michelin dans la voiture, on réservait un hôtel de vacances en ayant récupéré un dépliant dans une agence de voyages, on demandait son chemin, on randonnait avec un guide papier acheté chez son libraire qui l’avait commandé pour nous, et on avait des pièces de monnaie pour téléphoner d’une cabine où se trouvait un annuaire!

Ainsi ce jour-là, après bien des doutes sur la route à suivre, je venais enfin de garer ma voiture devant un petit hôtel perdu … afin d’y passer la nuit et prendre quelques renseignements sur la randonnée de plusieurs jours envisagée et accompagnée.

Repas, vin, quelques bribes laconiques du propriétaire et cuisinier, nous firent reprendre la route au matin, longer une rivière dans une vallée encaissée et nous poser dans un camping afin de préparer la suite !

Le Queyras se mérite et nous allions le découvrir chaque jour, bien décidés à faire le tour du mont Viso entre refuges et bivouacs. Après quelques jours de marche, nous étions côté italien, et gravissions le Monte Meidassa (3107m).

Assis près du cairn matérialisant le sommet, je le vis arriver, svelte, visage buriné, parlant un peu français, vieux sac sur le dos, bonnet tricoté, yeux perçants et à peine essoufflé malgré la montée. Fromage et pain, gourde d’eau, il échangea quelques mots, nous précisa qu’il était presque octogénaire, nous indiqua le refuge plus bas et du doigt pointa sa destination… vers la Méditerranée. Il me regarda et me montra mes souliers de marche.

Passant son doigt dans mes lacets, il me fit comprendre qu’il y avait mieux à faire. Me demanda de lui donner une chaussure, enleva le lacet et me montra comment il fallait le remettre.

Attentif à chacun de ces gestes et une fois rechaussé, il m’enjoignit de faire quelques pas. Mon pied semblait mieux tenu. Puis il me montra avec force gestes comment détendre et retendre le laçage en fonction des descentes et des montées, sans défaire le nœud !

Il pointa mon autre chaussure et m’invita à refaire le laçage.

Sous ses yeux attentifs, je m’exécutais. Il souriait.

Puis, aussi simplement qu’à son arrivée, il nous salua et disparut dans le pierrier, dans la pente, suivant le sentier, apparaissant et disparaissant, au gré du relief, jusqu’à un nuage de brume venant de la vallée qui le happa.

Redescendant sur l’autre versant passer la nuit au refuge Granero, je réalisais combien ce laçage allait à mes pieds et sans point de pression…

Le lendemain, retournant vers la voiture par de jolis cols et revoyant avec plaisir une grande partie de notre itinéraire autour du panorama que nous offrait le mont Viso, je sus indubitablement que ce laçage devenait mien.

Si j’ai fait un parallèle avec un temps d’avant … c’est que Pietro est resté dans ma mémoire comme mon premier influenceur 🙂

Quelques fois, en randonnant, je pense à lui et à cette journée mémorable où j’ai appris à lacer correctement (…) mes souliers de marche !

 

… et à une époque ou je ne trimbalais pas toujours un appareil photo même un Kodak Pocket Instamatic ☺ 

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