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En Vosges

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Respiration et écriture

Il me suffit parfois d’un pas en forêt pour sentir l’air s’élargir en moi.
Dans les Vosges, les sentiers se font complices de mes pensées, m’invitant à ralentir, à écouter, à observer. Chaque tronc moussu, chaque silence ponctué d’oiseaux devient une page invisible sur laquelle mes mots s’écrivent.
Marcher ici, c’est apprendre à respirer autrement, à écrire autrement, à se relier à soi et à ce qui m’entoure.
Mon carnet de randonnée est souvent le récit d’un dialogue intime avec les arbres, avec le souffle qui se prolonge jusque dans mes phrases.
Ma respiration s’anime en cadence avec ma plume réelle ou imaginée. Les mots s’écrivent ou s’envolent vers les fonds de vallée.
Alors je repars en quête infinie sans lassitude, mais émerveillé de l’étirement du temps.

La forêt comme passage intérieur

Chaque pas posé sous les arbres est une porte qui s’ouvre vers un monde plus calme et plus dense. Le sol, tapissé de feuilles mortes et de mousse, amortit mes pas et invite à l’attention. L’air embaumé par la terre humide, les fougères et le parfum subtil des champignons devient presque tangible, comme un guide silencieux qui accompagne mes pensées.
La lumière filtre à travers les branches et dessine des motifs mouvants sur le sentier, créant une danse silencieuse et hypnotique.
La sente animale qui se découvre donne la tentation de vouloir la suivre.
Et de se perdre.
La mémoire d’une tentative de plume me fait repenser à ce matin de printemps, après une pluie légère, alors que je marchais sur un sentier brillant de gouttes d’eau.
Chaque perle scintillait au soleil levant, transformant la forêt en un tableau vivant.
Je me suis arrêté, fasciné, notant dans mon carnet : « Même le silence des gouttes de pluie glissant sur les feuilles est poétique. »

Le silence, mon compagnon

Le silence de la forêt n’est jamais vide.
Il est habité par des bruissements subtils, le chant discret des oiseaux, le froissement des feuilles ou le craquement d’une branche.
Chaque son, si léger soit-il, crée un rythme intérieur qui apaise l’esprit et prépare le terrain à l’écriture.
Marcher dans ce silence m’apprend à écouter mes propres pensées, à observer sans juger, à laisser l’inspiration émerger comme une brise caressant les feuilles.
Parfois, un chamois s’arrête, curieux, à quelques mètres de moi, ou une grive s’envole soudainement, me rappelant l’importance de l’attention et de l’émerveillement face à l’inattendu.

Les arbres comme lecteurs invisibles

J’ai souvent l’impression que les arbres lisent mes pensées.
Leurs troncs majestueux ou torturés, leurs branches tendues vers le ciel, semblent accueillir mes mots invisibles.
Écrire, c’est partager cette intimité avec des témoins silencieux qui ne jugent jamais, mais comprennent tout. Chaque arbre devient un confident, chaque feuille, une oreille attentive.
J’ose parfois m’asseoir et lire à haute voix ces mots venus du tréfonds et les entendre se répercuter aux endroits clandestinement partagés.
Un après-midi d’automne, j’ai marché dans la hêtraie d’altitude parmi les troncs bizarrement sculptés par la nature, nappés de mousse verdâtre et luisant d’eau.
Assis sur une souche, j’ai laissé mon carnet se remplir de mots inspirés par la poésie de cette scène, émerveillé par la précision des couleurs et la lumière changeante.
Autrement happé par l’extraordinaire instant de symbiose entre la nature et l’homme, formant ce tout instantané, je reste admiratif.

Le rythme des pas et celui des phrases

La marche impose un tempo naturel et chaque pas devient un métronome pour l’esprit.
Je remarque que mes phrases suivent ce rythme, s’allongeant ou se raccourcissant selon l’énergie de mes jambes.
Les marches longues permettent à l’esprit de se délier, aux idées de se développer et aux mots de trouver leur juste place.
Comme l’écrivait Thoreau, « marcher, c’est la pratique quotidienne de la liberté ».
Chaque foulée m’apporte clarté, concentration et inspiration, des éléments essentiels pour structurer mes textes ou résoudre des passages difficiles.
Et c’est au retour, lorsque je reprends mes textes que souvent me reviennent d’autres mots, d’autres ressentis, d’autres syntaxes, d’autres libertés.

Quand la marche apaise l’esprit

Poser un pied devant l’autre détend les tensions accumulées, clarifie les pensées embrouillées et libère l’imagination.
C’est comme si le corps relâchait ce qui encombre l’esprit, créant un espace propice à la création.
Mon premier roman « Le Poids du Sac » aborde ces sujets.
Les problèmes qui paraissaient insurmontables avant la marche deviennent parfois plus simples après quelques kilomètres, et les idées créatives peuvent surgir avec une étonnante fluidité.

Écrire au retour pour prolonger la respiration

Au retour, je prends mon carnet pour en relire les mots notés et mon ordinateur pour laisser mes pensées s’écouler en complément de celles inscrites.
Les mots viennent plus naturellement, portés par l’énergie de la marche et la clarté des pensées associée.
Chaque détail, chaque sensation, chaque émotion est imprimé pour prolonger l’expérience physique dans ces instants du monde d’écriture.
Je me surprends parfois, stylo plume au bord des lèvres, revoyant l’instant suspendu qui m’a fait écrire quelques mots là où je me suis posé. Plus haut !
Parfois, un simple souvenir de pas sur un sentier humide suffit à relancer l’inspiration pour une suite de paragraphe.
Ou, l’arrivée opportune d’un visage imaginé dépendant de la suite d’un roman, d’une partie d’histoire, l’allure et la description faisant corps avec le récit.

Ce que la forêt…

La forêt m’enseigne la patience.
Un texte, comme un arbre, ne pousse pas en un jour.
Il faut du temps, de la lenteur et une écoute attentive de ce qui se présente.
Marcher régulièrement nourrit ma patience et rappelle que la création est un processus, pas une course.
Je prends avec lenteur la mesure de l’instant qui vient. La philosophie du temps portée en bandoulière.
Chaque randonnée est une leçon sur l’attention aux détails, la persévérance et l’émerveillement.
La beauté se révèle souvent alors que mon regard périphérique s’anime, que mes sens s’agitent pour le parfum des feuilles humide, le jeu de lumière sur un tronc, le froissement d’une aile d’oiseau, les cimes emportées dans le vent….

Varier les atmosphères

Chaque jour de l’année, que le chemin soit pris dans un sens ou un autre, que la randonnée, m’entraîne vers une destination inconnue, que la marche sur plusieurs jours, me fasse longer une ligne cardinale, je prends conscience des sons, des couleurs, des textures et des odeurs qui m’entourent.
Je note, vite, de peur d’oublier, l’oiseau qui s’évapore dans le nuage, le cri de celui que je ne connais pas, le souffle alternant des montées et des descentes, le glissement de la chaussure sur une racine du chemin.
Je note tout et les personnages s’animent.
Ceux inventés. Comme ceux croisés.
Je marche lentement en observation du monde autour de moi.
Ce monde parfois secret des plantes et des insectes, de la nature tout entière.
Souvent seul j’ai envie parfois de partager.
Cela viendra.
L’expérience des milliers de kilomètres se transmet aussi oralement.
Doucement chuchotée.
Ce qui est beau de tout cela c’est aussi tous les moments de la journée, des longues journées de marche, de randonnées, multiples, afin de varier les atmosphères.
Le soleil, le vent, la pluie ne sont pas identiques ailleurs.
Encore moins mes jours et mes nuits.

Marcher pour écrire et penser

La marche en forêt n’est pas seulement un exercice physique ; elle est un outil d’inspiration.
Elle permet de respirer, d’écouter, de réfléchir et de créer.
Chaque pas est une page, chaque souffle un mot.
En intégrant la marche dans ma routine d’écriture, je découvre une nouvelle manière d’habiter mes pensées et mes textes.

Comme le disait Giono, « marcher, c’est se mettre en état d’émerveillement ».

Alors je sors, marche et observe, et je laisse les mots suivre le rythme de mes pas.

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